HINA-MATSURI ET NAGASHI-BINA (3)
QUAND LA CHINE ET LE JAPON SE RENCONTRENT...
Cette pratique de purification par l’eau pour l’arrivée du printemps fut adoptée au Japon, à partir de la période Heian 平安時代 Heian-jidai, sous la forme du Nagashi-Bina 流し雛, poupées talismans que l’on fait dériver sur l’eau…
vidéo Youtube sur le festival de Nagashi-Bina dans la ville de Yozecho Chisegawa, dans la préfecture de Tottori, au Japon.
Le Japon, avec le shintoïsme, comme vous le savez, était lui aussi parsemé de rites de purification, O-Harae お祓 . Les plus connus sont peut-être ses rites de purification par l’eau : lors de notre arrivée dans un jinja 神社, sanctuaire shinto, ne devons nous pas nous laver la bouche et les mains au chōzuya, la fontaine surveillée par un dragon pour le rite de temizu 手水 ?
vidéo Youtube sur la façon de procéder au rite de temizu 手水 lorsqu'on arrive dans un sanctuaire Shintō, ici le sanctuaire d'Ise, Ise-Jingu 伊勢神宮
Ou encore celui du misogi 禊, dont celui qui consiste à laver tout son corps en se mettant sous une cascade sacrée est un des plus impressionnants et emblématiques.
vidéo Youtube sur le rite de Misogi au sanctuaire Okahachimangu, dans la ville de Iga, dans la préfecture de Mie, au Japon
Un autre exemple de rite de O-Hare, dans le jinja de notre quartier, Ten-so-jinja shrine, pour la fête de Tanabata, au mois de juillet.
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Le shintoïsme faisait aussi appel à des katashiro 形代 (kata 形 voulant dire forme et shiro 代 substitut), effigies de papier blanc, entre autres, à forme humaine sur lesquelles étaient transférées les influences néfastes pour se purifier avant une cérémonie au sanctuaire par exemple. On les appelle aussi hitogata 人形 (forme humaine) ou nademono 撫で物 (objet que l'on frotte sur soi).
photo de Yasaiyasai (licence Creative Commons)
L’individu qui cherchait à se purifier écrivait dessus l’année et le mois de sa naissance . Il la frottait sur son corps et lui soufflait dessus lui transférant ainsi tous ses tsumi 罪, fautes, et kegare 汚れ, souillures, avant de la ramener au jinja 神社 pour la brûler. Bien sûr, de nos jours encore, il y a toujours des katashiro à disposition dans les sanctuaires shinto du Japon.
Mais également incarnation des esprits, les kata-shiro étaient aussi utilisées pour jeter des sorts ou des malédictions, d’où l’ancienne croyance que les poupées peuvent abriter de mauvais esprits et apporter le malheur… D’autres poupées "vaudou" existaient aussi comme les wara-ningyou 藁人形, poupées de paille, conçues elles-aussi pour lancer des sorts, effrayer l’ennemi lors des batailles ou bien, comme à l’époque Heian, pour protéger de la maladie ou éloigner les insectes ou autres calamités des champs lorsqu’elles étaient disposées le long de ceux-ci ou des routes. Bien sûr, on les jetait ensuite dans l’eau pour que les courants les emportent avec toutes les calamités qu’elles avaient absorbées.
Puis, de manière synchrétique, Shintoïsme et influence de la philosphie chinoise, du bouddhisme introduits au Japon au 6ème siècle, à la cour impériale, firent apparaître de nouveaux rites tels que Onmyōdō 陰陽道 et ses onmyōji 陰陽師, maîtres devins aux pratiques magico-divinatoires.
Abe no Seimei était un onmyoji, grand spécialiste de l'onmyōdō au milieu de la période Heian au Japon.
A l'époque Heian, la noblesse du palais, très superstitieuse, croyant en l'existence d'êtres surnaturels avec les humains, les premiers occasionnant des maux aux derniers, organisait sa vie autour des rites recommandés par les onmyōji. Et c'est là que les poupées,les hiina, trouvèrent une place particulière, comme un lien entre ces deux mondes....
NAGASHI-BINA 流し雛.. quand pratiques religieuses et coutumes de la Cour impériale se mêlent….
Chine Ancienne, Shintoïsme et pratiques de la Cour s’entremêlant donc, apparut la célébration de Nagashi-Bina 流し雛, le 3ème jour du 3ème mois, lors du rite de Joshi-no-Araï dont on vous a déjà parlé.
Mais contrairement à la Chine de l’époque qui voyaient les Chinois laver directement leur corps dans les cours d’eaux, le Japon de Heian invoquait le pouvoir des kata-shiro ou hito-gata du shintoïsme, désormais faites en divers matériaux, comme le papier, l’or, l’argent, le fer, le bois, la paille de riz ou le miscanthus, pour emporter avec elles au fil de l’eau toutes les mauvaises forces dont elles étaient chargées. Ainsi naquirent les Nagashi-Bina, poupées que l’on laissait dériver sur l’eau.
Au fil des années, la coutume fut de garder ces poupées et de les disposer dans les maisons comme forces protectrices. A l'origine, elles assuraient la protection de la famille impériale et donc du pays puis, avec l’évolution des mœurs, elles remplirent ce rôle auprès de toutes les familles qui avaient les moyens de s’offrir des poupées.
Bien qu’ainsi tombé en désuétude, le rituel de Nagashi-bina 流し雛 existe encore dans certains sanctuaires japonais comme celui d’ Awashima 淡嶋神社, dans la préfecture de Wakayama, en raison de son importance pour les femmes qui viennent y prier pour un mariage heureux et ou un accouchement paisible. Le 3 mars, les filles et les femmes y dédient des poupées au kami du jinja, poupées que l’on conduira ensuite à l'océan où on laissera les vagues les emporter sur un bateau de bois, et, avec elles, tous les maux qui accablent les femmes.
On continue à faire vivre la tradition près de biens des cours où enfants et parents construisent ces poupées japonaises au rôle de talisman et leur petit bateau de paille...
Et, à Tokyo, Je ne l'ai jamais fait mais il est possible de participer à ce joli rite avec l'évènement Edo Nagashi-bina 江戸流しびな, près d'Asakusa, le 3 mars, bien sûr....
Des poupées talismans pour la protection des humains et de la nation...Tout cela dans le même temps où les poupées trouvaient une nouvelle place dans la vie quotidienne des nobles de la Cour Impériale de l’époque d’Heian...
TABITABIYA
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